Tiré de la revue AOPA Pilot Magazine de juillet 2009 avec l'autorisation de l'auteur.
Traduction de Pierre Bourdeau
Comme la grande porte du hangar s’ouvrait, la lumière provenant de l’intérieur se projeta sur toute la rampe, comme si un barrage venait de se rompre. Une fois ouverte, j’en profitai pour contempler cette matinée fraîche. Une mince couche de brouillard, épaisse de quelques centaines de pieds, bloquait la lumière des étoiles, mais se voyait enflammée par la lueur de la demi-lune.
Quelques minutes plus tard, vers 5h30, le Bonanza, tout excité de voler dans de l’air frisquet, s’éleva dans la couche de brouillard, puis, aussi rapidement que je pus me concentrer sur les instruments, nous émergeâmes de la couche dans le clair de lune. Droit devant, les lumières de Baltimore semblaient refléter les étoiles dans le ciel. Je me remis en palier à une altitude de 7000 pieds et eus l’impression de me sentir suspendu dans la noirceur, dans l’air remarquablement calme.
Progressant direction nord-est le long de la côte Atlantique vers Boston, le bord de mer semblait s’étirer à l’infini. Bientôt, Atlantic City, New Jersey, se pointa à l’horizon, les casinos émettant leur propre lueur malgré l’approche du petit matin. À ma droite, les îles protégeant la côte près de la Rivière Toms, interrompaient le reflet de la lune sur l’étendue calme de l’océan. À ma gauche, les énormes hangars renfermant les dirigeables à la Station Aéronautique Navale de Lakehurst semblaient vouloir se soulever eux-mêmes au-dessus de la rampe sombre.
Comme d’habitude dans les heures précédant la levée du jour, les contrôleurs se montraient conciliants et de bonne humeur. Ils avaient sans doute bu leur café. Les fréquences étaient souvent calmes pendant plusieurs minutes, ponctuées par des appels de pilotes de FedEx et UPS transportant les biens de la nation à différents aéroports, petits et grands. Déjà la ville de New York brillait droit devant, et le firmament vers l’est passa du noir au gris cendré. Au moment où je survolais l’Aéroport International John F. Kennedy et virais vers Long Island, le ciel vers l’est affichait une teinte orange rougeoyante. À 7 heures, en cette matinée tardive d’hiver, une parcelle de soleil se pointa au-dessus de l’horizon, et puis, en un clin d’œil, le disque aveuglant complet émergea, embrasant d’une lueur orange la partie supérieure de l’horizon, et masquant la mer d’une teinte sombre.
En l’espace de quelques minutes, la lueur orangée du lever du soleil fit place à la lumière douce de l’aurore dans un ciel bleu pâle, et un nouveau jour commençait.
Le lever du soleil sembla réveiller les pilotes un peu partout, car la fréquence s’anima bientôt de trafic et les contrôleurs de New York et Boston augmentèrent leur cadence en conséquence. Ceux qui se levèrent plus tard ne surent jamais ce qu’ils avaient manqué ce matin-là : l’éclat inoubliable de l’aurore.
Si vous me demandez pourquoi je vole, oui, je vole pour les avantages du transport rapide, c’est certain. Mais aussi pour vivre des moments comme ceux-là. Pour le privilège de voir des choses uniques dont les terriens demeurant toujours à terre ignorent même l’existence.
Tomas B. Haines, éditeur en chef
AOPA